Qu'en est-il de notre désir d'enfant, de cette joie que nous avions, de cet espoir tous les 28 jours, de cette déception tous les 28 j, du verdict des médecins qui nous a atterrés et en même temps nous a donné de nouveau l'espoir.
Nous avons très vite très bien accepté la médicalisation, peut-être en raison de notre âge. Nous savions sûrement au fond de nous-mêmes que le temps nous était compté. Et puis nous avions "la chance" de pouvoir tenter une FIV, ce qui n'était pas certain au vu de mes premiers résultats. Tout le monde n'a pas cette chance, nous expliqua Gyné belle, "je vois des femmes plus jeunes que je ne prends pas en pma"... Si l'on voit les choses de ce point de vue-là...
Mais qu'en est-il de mon désir initial, autour de mes trente ans ? Je crois à y réfléchir qu'il était plus "animal" ou naturel disons. Une envie, un désir plus instinctif. Notre couple alors, n'avait pas la solidité qu'il a aujourd'hui et mon amour, lui, n'était pas du tout prêt à s'engager dans cette voie-là. Au fil des années qui ont suivi, j'ai fini par taire ce désir. J'ai même fini par croire que si je pouvais le taire facilement c'est qu'il n'était pas si profond, si essentiel à ma vie. Mais peu à peu, en "vieillissant", les 28 jours ont été plus pesants. Pas tout le temps, mais tout de même.
Avec le décès de papa en 2004, il a eu comme un déclic mon amour. Construire lui devenait possible, puis nécessaire. Son engagement dans le couple s'est manifesté de mille petites façons. Nous amour, notre couple en est devenu plus fort (heureusement car il faut dire que je commençais à me lasser de ses réticences, mais bon, il avait ses raisons que je respectais...).
Nous avons parlé bébé, parlé de fonder une famille, c'est devenu notre projet de couple, bientôt une évidence. ça c'est venu naturellement. Je ne sais pas bien comment... Mais Bébé, lui, n'est pas venu. Nous ne nous sommes pas inquiétés outre mesure "laissons faire la nature" était notre devise, on savait que ça pouvait mettre quelques années (on ne savait pas que l'âge avait son rôle si puissant à jouer).
Après un mariage et une dépression, mes 40 passés, il était temps de voir un médecin ou de n'y plus penser. La suite, c'est 2010, les fiv, la fc...
Je me demande maintenant avec cette étrange année ce qu'est devenu mon désir premier. Je pense qu'il est encore là mais qu'il a composé avec d'autres éléments nouveaux.
Il m'est arrivé longtemps de me demander si faire un enfant n'était pas un prétexte pour combler un manque. Si je ne voulais pas pour de fausses raisons, des motivations honteuses. Je crois maintenant, avec un peu plus de recul, qu'un désir d'enfant répond à de nombreuses aspirations, répond à notre propre histoire, nous renvoie à notre enfance et qu'il ne s'explique pas en seulement quelques mots et une ou deux raisons. Je crois que tout n'est pas si naturel. Et je sais, pour avoir vécu cette année fiv et ses douleurs, que mon désir est légitime, qu'il est vrai, qu'il est puissant. J'aurais appris ça de moi (et je crois que je le savais tout au fond), mais je sais aussi qu'il me renvoie à mon enfance heureuse mais particulière, à une histoire de famille pas simple. Je sais qu'il me renvoie à des peurs profondes de la perte et de l'abandon liées là encore à mon enfance. Et que cette fausse couche m'a renvoyée à cette peur-là, que l'idée de ne pas avoir d'enfant m'est aussi insoutenable car quelque part, elle me laisserait seule. La peur de perdre mon mari étant tout aussi insoutenable... Mais ces raisons-là ne sont pas honteuses ni mauvaises contrairement à ce que j'ai longtemps pensé. Elles font partie de moi et composent avec un désir plus pur et naturel.
Et c'est avec toutes ces raisons, tout ce que je suis, ce que je fus, mon histoire la plus ancienne, et celle plus récente que je construis avec mon mari, que notre petit trésor est attendu. Je crois que je suis plus forte que je ne pense l'être ou ne veux l'être. Toujours ce besoin d'être entourée, protégée, alors que je suis certainement armée.
Je vais tacher d'avancer sereinement en 2011 pour construire un nid douillet. Et tout le monde sait qu'un nid n'est pas parfait. Mais il est fait avec amour et pour le bien de la famille.
Alors pourquoi devenir mère ? Je ne sais pas. Je ne l'explique pas, c'est en moi, pour donner de l'amour je crois, pour ce nid, dérouler le fil de mon histoire qui, entre passé, présent et avenir, n'est finalement qu'un tout.